Président du pôle Entrepreneuriat-Croissance du MEDEF, Thibault Lanxade explique comment faire pour développer en France la vocation d'entrepreneur chez les jeunes.
Les chiffres du chômage des jeunes font frémir. Comment, dans le climat actuel de crise et de morosité, inciter plus de jeunes Français à sauter le pas de l’entrepreneuriat et à passer de l’idée à la concrétisation de leur projet ?
C’est vrai que le chômage des jeunes a atteint des niveaux inédits et c’est un sujet qui nécessite de devenir une priorité nationale. Il faut bien sûr se poser la question de l’entrée des jeunes sur le marché du travail à travers l’apprentissage, les stages, etc. Mais l’entrepreneuriat peut également être un moyen d’accéder a la vie professionnelle et de prendre son avenir en mains.
Aujourd’hui entreprendre quand on est jeune est beaucoup moins difficile qu’il y a 20 ans.
Et aujourd’hui entreprendre quand on est jeune est beaucoup moins difficile qu’il y a 20 ans. Il existe une réelle dynamique entrepreneuriale en France. L’entrepreneuriat bénéficie d’un nombre de dispositifs sans précèdent. Créer sa boite est devenu juridiquement assez simple et rapide grâce a des statuts comme la société anonyme a associé unique. Il ne faut cependant pas se leurrer, créer son entreprise reste un parcours du combattant et notre rôle a nous, organisations patronales, est de continuer à agir pour le simplifier. Nous avons également une responsabilité à travers nos MEDEF territoriaux et nos fédérations professionnelles pour que les jeunes entrepreneurs trouvent dans nos organisations le soutien leur permettant d’accélérer leur envie d’entreprendre. Et cela doit s’adresser à tous les entrepreneurs. Même si nous avons besoin de locomotives qui s’illustrent au travers de la French Tech, l’entrepreneuriat ne se résume pas au numérique. Ce n’est pas uniquement un univers de start-up de sites Web et d’algorithmes. C’est aussi du brick and mortar, du service classique… Tous les entrepreneurs n’ont pas vocation à devenir des Google ou des Blablacar. Attention à ne pas cliver. Les jeunes qui entreprennent dans le numérique ont plutôt des parcours académiques solides, écoles d’ingénieurs ou de commerce, ils lèvent des fonds très importants autour de projets très ambitieux et ont peut-être moins besoin de soutien que d’autres. L’ambition ce n’est pas seulement d’aller conquérir les Etats-Unis, elle peut prendre bien d’autres visages.
Statut d’auto-entrepreneur, statut d’étudiant entrepreneur… les dispositifs d’incitation à la création d’entreprise se sont multipliés. Quelles sont leurs avantages et leurs limites ? Sont-ils vraiment des moyens de diminuer en France la peur du risque et de faire avancer la culture de l’entrepreneuriat ?
Le régime de l’auto-entrepreneur a permis de façon très simple d’exprimer son talent et son sens de l’initiative. Il faut considérer qu’à un moment ou à un autre dans sa vie on est tous auto-entrepreneurs. On a tous à gérer une société même si elle est réduite a sa propre personne… Tout ce qui permet d’encourager cette démarche, comme le statut d’étudiant entrepreneur, les juniors entreprises ou les BDE, est très important pour la dynamique entrepreneuriale. Il faut tout faire pour que ces statuts soient accessibles au plus grand nombre.
Le régime de l’auto-entrepreneur est donc un bon régime même s’il faut en corriger les effets pervers
Le régime de l’auto-entrepreneur est donc un bon régime même s’il faut en corriger les effets pervers, notamment dans le bâtiment, et le MEDEF va s’y employer. Il a permis a de nombreux jeunes et moins jeunes d’avoir une activité secondaire déclarée et de commencer une activité entrepreneuriale avant de se lancer dans la vraie entreprise. Mais très vite ce régime montre ses limites car il ne permet ni d’investir ni d’embaucher. Quant au risque, il ne faut pas le neutraliser, c’est un élément essentiel dans la vie d’un entrepreneur. Sans risque, pas d’initiative. Un entrepreneur qui échoue aura perdu son argent, son temps, son honneur, sa fierté et peut-être même sa santé. Mais la contrepartie, c’est l’épanouissement personnel, la satisfaction d’avoir réalisé quelque chose, dans tous les sens du terme et pas seulement sur le plan financier. Ce sens du risque il faut bien évidemment l’aménager. C’est plus facile d’entreprendre quand on est jeune car on se remet plus facilement d’un échec. L’échec peut même devenir un véritable ressort même si ce n’est pas forcément très confortable. Il faut savoir apprécier sa prise de risque. Elle n’est pas la même pour un jeune célibataire de 25 ans que pour un jeune de 35 qui est peut-être endette, divorce ou que sais-je encore… Il peut y avoir un moment où on ne sera pas en mesure d’entreprendre car le risque sera trop important de mettre en insécurité de façon démesurée sa famille ou son capital.
La crainte de ne pas disposer d’une mise de départ est un frein important à la création d’entreprise. Le crowdfunding offre aujourd’hui une solution de financement alternative aux porteurs de projet. Est-ce suffisant ?
On a fait dans le domaine du financement des petites entreprises et des start-up pas mal de progrès car on a démocratisé les business angels, même s’ils restent insuffisants. On en compte environ 4 000 en France pour le double en Angleterre. La possibilité de déductibilité de l’ISF dans la loi TEPA a permis également d’envoyer un flux important vers les financements à très haut risque. Des financements complémentaires via la BPI et les banques pour les entreprises plus classiques sont aussi nécessaires. Quant au crowdfunding, c’est une bonne solution car il permet de « désintermédier » la relation avec ses investisseurs et de leur donner une part de la dynamique entrepreneuriale. Investir facilement en capital, comme on achèterait une action Total, cela permet à une multiplicité de gens de parier des petits tickets. Cela ne fera toutefois pas tout. Pour se financer, les entrepreneurs doivent apprendre à communiquer très tôt sur leur projet, leur idée, leur équipe. En France généralement, on imagine d’abord le produit, puis on passe a son industrialisation et on le commercialise. Et s’il reste un peu d’argent on communique. Aux Etats-Unis, on pense commande, puis marketing et seulement après industrialisation. Il va falloir que les jeunes entrepreneurs soient formes et aguerris au fait qu’il est important de bien communiquer sur leur projet.
Quand vous avez un bon projet, que votre idée est audible, globalement vous allez trouver un financement pour l’amorçage
Toutefois, quand vous avez un bon projet, que votre idée est audible, globalement vous allez trouver un financement pour l’amorçage. Ce qui est plus difficile c’est le moment de la rencontre avec le marché, surtout si elle prend plus de temps que prévu. Là, on entre dans la vallée de la mort et ce peut être la fin de l’aventure alors même que l’idée est bonne et que le plus dur a été fait. Là, nous les entreprises, avons une grande responsabilité pour que ces projets sortis du panier puissent décrocher une première commande qui va valider la rencontre avec le marché. C’est très important. Les grandes entreprises, les ETI et même les PME doivent jouer davantage la carte de la filière et du « chasser en meute ».
Vous êtes président du pôle Entrepreneuriat et croissance du MEDEF. Quelles sont vos priorités pour 2015 ?
Nos priorités pour 2015 sont bien évidemment de poursuivre la diffusion de l’esprit d’entreprise. Nous l’avons fait l’an passe auprès des militaires, nous allons le faire cette année dans le domaine sportif pour accompagner les sportifs de haut niveau et aider a leur reconversion.
Nous continuerons aussi à être offensifs sur les sujets de financements et nous tenterons de diffuser cette dynamique entrepreneuriale comme alternative au salariat.
En France, depuis 30 ans, tous nos dispositifs sont bases sur le salariat et tout est focalise sur le contrat de travail. Il faut offrir d’autres possibilités aux jeunes pour que ceux qui souhaitent devenir entrepreneurs puissent le faire de façon extrêmement simple, exprimer leur talent, leur initiative et plus si cela fonctionne. Les jeunes veulent-ils être embauches ou embaucher ? Posons-nous la question sans opposer les deux, mais rendons les choses possibles et naturelles.
Enfin, quels conseils donneriez-vous à tous les jeunes qui souhaitent se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat ?
Je leur dirais « Allez-y ! » Le plus tôt sera le mieux. Se confronter à la dynamique entrepreneuriale, même si c’est pour un projet en tant qu’étudiant, même si c’est juste pour voir, est toujours enrichissant. Cela permet de libérer cette dynamique entrepreneuriale encore un peu cadenassée par la peur du risque. Or le risque est inhérent à la vie et quand on est jeune on peut prendre le risque d’entreprendre car, quoi qu’il arrive, le retour sur investissement sera toujours extrêmement positif.
Certes en France, l’échec est une cicatrice alors qu’ailleurs et notamment dans les pays anglo-saxons, c’est une médaille, mais les choses commencent à évoluer et on a fait quelques progrès symboliques. Par exemple la suppression du code 040 qui marquait au fer rouge l’entrepreneur quand il avait failli. Nous continuerons à marteler tout cela. Mais les jeunes doivent avoir conscience que pour eux le risque est nul et le retour sur investissement formidable, parce qu’ils auront commis des erreurs et apprendront de ces erreurs. Le propre de l’entrepreneur c’est d’en commettre tous les jours. Celui qui n’en commet pas n’existe pas.